Après les révélations et accusations sur certains gynécologues, on fait le point sur le déroulé d’un examen de routine.
Le 22 juin dernier, « Marianne » révélait que deux plaintes pour « viol » ont été déposées contre la secrétaire d’État Chrysoula Zacharopoulou. Les faits se seraient déroulés dans le cadre des fonctions de gynécologue de Chrysoula Zacharopoulou, qui exerçait aux côtés d’Emile Daraï. Fin septembre, « Franceinfo » révélait que ce dernier, chef du centre endométriose de l’hôpital Tenon à Paris, était visé par une enquête interne et par une plainte pour viol. Quelques jours plus tard, c’était au tour d’un autre médecin du même service d’être mis en cause pour des violences obstétricales supposées. Ces violences sexuelles ont de particulier de s’être déroulé dans un cadre médical. Quels sont les gestes normaux lors d’un examen gynécologique ? Pour mieux comprendre, on revient sur le déroulé d’une consultation de routine.
COMBIEN DE TEMPS DURE UNE CONSULTATION DE GYNÉCOLOGIE ?
Environ une trentaine de minutes – dont maximum 10 minutes d’examen physique, hors actes spécifiques comme la pose d’un stérilet – mais cela peut prendre plus de temps en fonction des questions que vous pouvez avoir pour votre médecin. Nasrine Callet est gynécologue, oncologue et médecin référent pour les femmes à risque génétique de cancer du sein et des ovaires à l’Institut Curie. Elle milite pour une prise en charge plus humaine des patientes. Sa réponse est sans équivoque : « Un examen de gynécologie, ce n’est pas comme aller chez le dentiste ou l’ophtalmo, c’est très intime. On commence forcément par une discussion avec la patiente, on prend le temps. » Avant tout examen physique, le praticien doit donc instaurer un dialogue. Une façon de se renseigner sur la raison de sa venue, ses antécédents, mais aussi et surtout de la mettre à l’aise.
« Le B.A.-BA, c’est mettre en confiance la patiente, insiste Dr. Callet. Et par cela, j’entends aussi ne pas poser de questions inutiles, qui sont juste perverses. » Savoir pourquoi la patiente a pris rendez-vous, ce qu’elle en attend, quels sont ses antécédents et si elle prend une contraception adaptée (de façon à éviter la pilule pour une fumeuse ou un stérilet au cuivre pour une personne souffrant d’endométriose, par exemple) sont des questions importantes pour que le praticien apprécie la bonne santé de la patiente.
LES QUESTIONS SUR MA VIE SEXUELLE SONT-ELLES UN PASSAGE OBLIGÉ ?
Non ! C’est une idée assez répandue, mais elle est fausse. « On n’a pas besoin de connaître les détails de la vie sexuelle de notre patiente pour bien la prendre en charge, assure la gynécologue. Dans mon cas, je préfère aborder le sujet de façon plus naturelle. » En cas de consultation pour des infections fréquentes ou pour une IST, il est en revanche indispensable que le, la ou les partenaires soient également soignés. « Mais là non plus, pas besoin de demander des détails. Je demande si ma patiente a un, une ou plusieurs partenaires qui pourraient nécessiter des soins, je fais des ordonnances et je rappelle simplement qu’il faut veiller à ce que chaque personne exposée soit soignée. »
Et en aucun cas, le praticien ne doit tenir des « propos porteurs de jugement sur la sexualité, la tenue, le poids », indique notamment le rapport du HCE, commandé par Marlène Schiappa et publié en 2018, qui liste six types d’actes qui ne doivent avoir lieu sous aucun prétexte pendant un examen – sans quoi, il vous est possible de déposer plainte auprès de la chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins.
DOIS-JE FORCÉMENT ÊTRE NUE PENDANT L’EXAMEN ?
Certainement pas pendant la phase de dialogue. Ensuite, il faudra enlever le bas pour procéder à l’examen, puis le haut pour la palpation de la poitrine – qui permet de détecter un potentiel cancer du sein. Dans tous les cas, vous pouvez demander à garder le haut pendant l’examen vaginal, et inversement. Certains gynécologues proposent même des blouses jetables pour davantage de confort. Aucun praticien ne peut vous obliger à vous mettre totalement nue : le gynécologue a le devoir de prendre en compte le caractère très intime des conditions dans lesquelles ces examens sont pratiqués, comme détaillé dans le rapport du HCE sur la question.
LES QUATRE FERS EN L’AIR SUR LA TABLE D’EXAMEN, C’EST OBLIGATOIRE ?
À sa publication, ce même rapport réclamait justement que d’autres positions de consultations, plus respectueuses de l’intimité des femmes, soient prises en considération par les médecins. Il y est notamment question de la position du décubitus latéral, où la patiente est allongée sur le côté. Celle-ci est courante au Québec, par exemple.
Dans tous les cas, le dialogue reste central dans l’examen gynécologique – c’est d’ailleurs censé être ce qui prend le plus de temps dans la consultation. Au cours de l’examen, le praticien est tenu de vous expliquer le déroulé, et de vous demander votre consentement avant chaque acte pratiqué. « Outre le consentement, nécessaire, il est important de toujours montrer ce qu’on fait, insiste Nasrine Callet. Un examen gynécologique se fait en binôme. »
LE SPÉCULUM EST-IL NÉCESSAIRE ?
Souvent, oui. « C’est la seule façon de voir le col de l’utérus et les parois du vagin », détaille la Dr. Callet. L’outil, qui peut être impressionnant, passe par la vulve pour aller dans le vagin. « Si c’est la première fois qu’une femme vient en consultation, je lui montre ce que c’est. C’est important de comprendre comment marche un examen aussi intime. »
Si, il y a quelques années, les spéculums étaient majoritairement en fer, ils sont de plus en plus souvent en plastique et à usage unique – plus faciles à manier et plus doux pour la patiente. Dans tous les cas, il existe des spéculums de différentes tailles, adaptés aux patientes : des plus petits pour celles qui n’ont pas eu beaucoup de rapports ou qui sont ménopausées, et des plus grands pour les femmes en post-partum. Le gynécologue est tenu d’adapter ses gestes à votre sensibilité : il peut par exemple mettre du lubrifiant sur le spéculum pour ne pas vous irriter, et faire les choses en douceur. « Et si la patiente peine à se détendre, on arrête l’examen et on dialogue avant de le reprendre », insiste Nasrine Callet.
« Dans les pays anglo-saxons, on ne le met pas toujours, explique également la gynécologue. Mais il est nécessaire pour voir s’il n’y a pas de tumeur du col de l’utérus, par exemple, pour les frottis et pour les poses de stérilet. » Le médecin est tenu de vous prévenir avant de l’insérer, et avant de l’enlever – pour vous éviter un maximum de gêne. « Il est aussi important de respecter le choix de la patiente si pour elle, la virginité physique est importante. Dans ce cas, j’essaie au maximum d’éviter le spéculum, et on ne fait qu’un examen par palpation », détaille Dr. Callet. Certains praticiens, notamment aux Etats-Unis, proposent également à leurs patientes d’insérer elles-même le spéculum, si elles sont plus à l’aise ainsi, comme le rapporte notamment cet article de « Teen Vogue » (en anglais).
ET LE FROTTIS ?
Cet examen particulier permet d’analyser le col utérin et de détecter le papillomavirus, responsable d’une majorité de cancers du col de l’utérus. Le prélèvement se fait avec un spéculum et un écouvillon, sorte de long coton-tige, qui vient frotter le col. Ce geste peut être un peu douloureux. La Haute Autorité de Santé recommande un premier frottis à 25 ans, puis un second l’année suivante. Si les résultats sont normaux, il faut en faire un tous les trois ans par la suite. Ce n’est donc pas un geste obligatoire lorsqu’on consulte un gynécologue pour la première fois, à moins de 25 ans – même s’il s’agit d’une consultation pour une contraception.
DES « ALLERS-RETOURS » RÉPÉTÉS AVEC LES DOIGTS PEUVENT-ILS FAIRE PARTIE DE L’EXAMEN ?
Absolument pas. Le toucher vaginal, indispensable pour repérer les anomalies de type kystes, ne nécessite pas d’allers-retours similaires à la masturbation. Le praticien met un doigtier en plastique qui recouvre son majeur et son index, pour palper l’utérus et les ovaires dans le vagin. L’autre main est posée sur le bas ventre pour constater toute modification d’élasticité, de forme, de volume ou de place de l’utérus. Encore une fois, il doit vous prévenir et vous informer des raisons de ces gestes, lesquels doivent être exécutés de façon à ne pas vous faire mal.
ET ENFIN, EN QUOI CONSISTE LA PALPATION DES SEINS ?
Là encore, il ne doit rien y avoir de « sexualisant » dans les gestes de l’examen. Il s’agit d’un examen permettant de détecter un éventuel cancer du sein. Avec le plat de la main, le médecin palpe la poitrine et le dessous des aisselles, en vous détaillant les gestes de façon à ce que vous puissiez les reproduire chez vous.