LES FEMMES ET L’ENVIRONNEMENT

F aire progresser l’égalité des sexes, en effaçant les divers handicaps sociaux et économiques qui empêchent les femmes de se faire entendre et d’exercer un pouvoir d’action, est l’un des meilleurs moyens de sauver l’environnement, comme de faire face aux dangers du surpeuplement et des autres effets négatifs de la pression démographique.

LES FEMMES ET L’ENVIRONNEMENT
Au Bangladesh, une femme cuit les aliments avec des résidus de récolte. La pollution atmosphérique dans les habitations tue plus de 2,2 millions de personnes par an dans les pays en développement Shehzad Noorani, Still Pictures

« La voix des femmes est d’une importance critique pour l’avenir du monde – pas seulement pour l’avenir des
femmes. »

Le rapport direct et essentiel qui existe entre les femmes et les ressources naturelles tire sa force non de la biologie – c’est-à-dire du fait que les femmes sont nées femmes – mais de l’identité sexuelle et des rôles et responsabilités créés par la société qui continuent d’incomber aux femmes dans les ménages, les communautés et les écosystèmes dans le monde entier.

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Les femmes sont responsables en premier lieu d’élever les enfants et de réunir des ressources suffisantes pour couvrir leurs besoins sur les plans de la nutrition, des soins de santé et de la scolarisation. Dans les zones rurales des pays en développement, ce sont elles surtout qui gèrent les ressources essentielles du ménage, comme l’eau salubre, le combustible nécessaire à la cuisson des aliments et au chauffage, et le fourrage pour le bétail. Les femmes cultivent les légumes, fruits et céréales destinés à la consommation familiale et à la
vente – souvent, comme dans une grande partie de l’Afrique, elles produisent l’essentiel des cultures de base.

Dans l’Asie du Sud-Est, les femmes représentent 90 % de la main-d’œuvre occupée à la culture du riz.
Au niveau mondial, les femmes représentent plus de la moitié (51 %) de la main-d’œuvre agricole2. À mesure que s’ouvrent des perspectives économiques, les femmes des pays en développement cultivent, traitent et écoulent les produits non alimentaires fabriqués à partir de ressources naturelles, qui sont utilisés dans leur foyer et, de plus en plus, loin de leur pays.

Au Burkina Faso, par exemple, les femmes produisent chaque année des centaines de tonnes de beurre de karité, dont une grande partie est vendue sur le marché européen des produits de beauté.

En Colombie, des milliers de travailleuses prennent soin des fleurs qui seront vendues aux États-Unis.

Mais de tels gagne-pain peuvent aussi présenter de nouveaux risques écologiques et sanitaires : en Colombie, ces travailleuses seraient exposées à 127 types de produits chimiques, dont beaucoup sont
interdits aux États-Unis et au Royaume-Uni.


Beaucoup de ces activités se situent dans les interstices de l’utilisation que les hommes font des ressources. Les femmes occupent des niches autorisées par la répartition traditionnelle…

Au Mali, une femme ramasse des déchets sur une décharge. Les femmes sont exposées à divers risques de santé du fait de la présence de produits chimiques toxiques dans l’air, l’eau et la terre. Erik Just (Danemark)

COMMENT LA DÉGRADATION DE L’ENVIRONNEMENT ATTEINT LES FEMMES

Les femmes ont la responsabilité de gérer les ressources du ménage, mais elles n’exercent généralement aucun contrôle sur elles.

Étant donné la diversité des modes quotidiens d’interaction des femmes avec l’environnement, elles subissent le plus directement l’effet de sa dégradation.

Par exemple : La déforestation ou la contamination obligent les femmes à passer plus de temps à la recherche de bois de feu ou d’eau salubre et potable, et les rend plus vulnérables aux maladies hydriques.

Dans l’État de Gujarat (Inde), les femmes consacrent maintenant quatre ou cinq heures par jour à collecter le bois de feu, alors qu’auparavant elles ne l’auraient fait qu’une fois tous les quatre ou cinq jours.

L’érosion du sol, la pénurie d’eau et les mauvaises récoltes réduisent les rendements; l’épuisement du sol consécutif à la surutilisation limite la productivité des vergers et potagers familiaux.

Les produits chimiques toxiques et les pesticides, en polluant l’atmosphère, l’eau et la terre, exposent les femmes à toutes sortes de risques de santé.

Ils pénètrent les tissus et le lait maternel, à travers lequel ils sont transmis aux nourrissons.

Dans un village de la province de Gansu (Chine), le nombre élevé de cas de mortinatalité et de fausses couches a été attribué aux rejets d’une usine d’engrais gérée par l’État.

En Russie, la pollution de trois rivières est l’un des facteurs du doublement des maladies de la vessie et des reins chez les femmes enceintes et, au Soudan, un lien a été établi entre l’exposition aux pesticides et la mortalité périnatale, le risque étant plus élevé chez les agricultrices.

Dans les milieux urbains en particulier, la pollution de l’air et de l’eau peut être très forte, tandis que l’assainissement et le traitement des déchets sont insuffisants ou inexistants : une telle situation présente de nouveaux risques de santé, surtout pour les femmes, qui sont plus exposées à en subir les effets.

Dans les villes indiennes de Delhi et d’Agra, par exemple, l’eau potable vient de rivières gravement polluées
par le DDT et d’autres pesticides rôles des sexes ou créées par l’évolution économique et sociale.

Sur la côte du Mozambique, les femmes ne sont pas autorisées à s’approcher des bateaux de pêche utilisés par les hommes, ni à se livrer elles-mêmes à la pêche, bien qu’elles traitent et écoulent la prise des hommes.

C’est à proximité du rivage que se situe l’espace aquatique où elles trouvent et vendent les coquillages, crabes et autres menues créatures des mers : c’est là un travail de femme qui, selon une étude récente, fournit 20 % environ du revenu moyen mensuel des ménages.

Comme la pauvreté persiste et, en bien des endroits, s’approfondit, le revenu que tirent les femmes de telles activités devient essentiel pour la survie de la famille – ce qui renforce l’importance de l’environnement dans la vie des femmes (et aggrave les dangers liés à la dégradation de l’environnement).

Dans le nombre croissant de ménages dirigés par une femme, ce travail est essentiel, surtout pour les enfants; dans les pays les plus pauvres du monde, les femmes sont déjà les chefs d’environ un quart des familles rurales.

Le revenu des femmes peut aussi créer les conditions propices à un élargissement des perspectives, des choix et de l’autonomie – ce qui rapproche de l’objectif plus général de l’équité et de l’égalité entre les sexes.

La dégradation de l’environnement a pour effet que les femmes doivent consacrer plus de temps et d’efforts à trouver du combustible ou à produire des ressources vivrières, mais leurs autres responsabilités, s’agissant de
couvrir les besoins du ménage et de garder la famille en bonne santé, ne diminuent pas pour autant.

Les divisions du travail par sexe ont jusqu’à présent résisté à tout changement réel.

Dans de nombreux pays, les femmes travaillent déjà 12 heures au moins par jour au foyer et hors du foyer; en Afrique et en Asie, les femmes travaillent en moyenne 13 heures de plus par semaine que les hommes.

LE MANQUE DE MOYENS D’ACTION ET SON IMPACT

En même temps, les femmes n’exercent qu’un faible contrôle sur leurs conditions de vie.

Les dirigeants ignorent souvent cette réalité, bien que l’utilisation et la gestion par les femmes des ressources de l’environnement local soient essentielles au bien-être des ménages et des communautés.

Les services de vulgarisation agricole sont essentiellement conçus en pensant aux hommes.

Les activités d’éducation et de formation élargie au service d’une agriculture écologiquement viable ou concernant les méthodes de gestion des terres laissent souvent les femmes de côté.

La législation nationale ou les coutumes locales refusent souvent aux femmes le droit d’obtenir un titre de propriété ou d’hériter de la terre, ce qui signifie qu’elles n’ont aucune garantie à
présenter pour obtenir du crédit.

La pauvreté, la précarité du statut d’occupation des sols et l’absence d’experts pour les conseiller découragent les femmes d’investir dans des technologies nouvelles ou des stratégies à long terme telles que la rotation des cultures, la mise en jachère ou des niveaux viables de culture ou de reboisement.

À l’opposé, ces facteurs encouragent les cultures de rapport à croissance rapide comme le coton, qui épuisent rapidement la terre, et le défrichage des terrains boisés pour obtenir un revenu immédiat.

De telles pressions sur des ressources en terre limitées épuisent les nutriments et dégradent les sols.

La dégradation des sols diminue les rendements, ce qui débouche sur une spirale d’utilisation plus intensive, de dégradation accentuée et de rendements encore plus faibles.

Les agriculteurs peuvent chercher de nouvelles terres, mais ne les trouvent souvent que dans des zones
limites ou de faible rendement, surtout si ce sont des femmes et qu’elles ne peuvent conclure une vente ou négocier un prêt.

Dans les pays les plus durement touchés, le VIH/sida a aggravé la pauvreté et rétréci les choix, obligeant la
population à se rabattre sur les ressources naturelles pour couvrir ses besoins élémentaires.

En Afrique du Sud, un grand nombre de pauvres, surtout des femmes, s’efforcent de produire des aliments et du combustible sur des terres de faible rendement, intensifiant ainsi la pression exercée sur
des écosystèmes fragiles. Un mode d’utilisation des sols non viable à long terme résulte souvent du refus d’accorder des ressources techniques ou financières.

Si la chance leur en est donnée, il se pourrait bien que les femmes soient disposées par nature à pratiquer une agriculture écologiquement viable et à préserver la qualité du sol – précisément parce qu’elles dépendent dans une large mesure des ressources naturelles.

Une étude menée par la Banque mondiale au Ghana a établi que la fertilité du sol diminuait à un taux moindre sur les parcelles cultivées par des femmes que sur celles cultivées par des hommes – et cela dans un même ménage..

En Inde, les femmes sont à la tête de mouvements ruraux qui promeuvent des pratiques agricoles écologiquement viables et s’opposent aux activités agricoles à grande échelle qui font un large appel aux engrais chimiques et aux pesticides.

Et au Royaume-Uni, où l’agriculture est surtout le domaine des hommes, la moitié des praticiens de l’agriculture biologique sont des femmes – soit une proportion 10 fois plus élevée que dans l’agriculture en général.

Les femmes qui n’ont pas le droit de posséder et gérer les ressources naturelles sont souvent aussi privées de
droits dans d’autres aspects de leur vie, ce qui renforce les inégalités entre les sexes.

Comme des millions de femmes à travers le monde, celles qui appartiennent aux communautés rurales à
régime nettement patriarcal du sud-est de Madagascar n’ont pas accès aux ressources qui confèrent un certain rang social – des biens, du bétail et des terres de culture.

De ce fait, elles ne prennent qu’une faible part aux décisions de la communauté ou de leur ménage.

Ces décisions portent sur la reproduction (la fécondité est élevée), le mariage (les mariages précoces sont fréquents) et l’éducation pour elles-mêmes et leurs enfants (les taux de scolarisation sont
faibles pour les garçons et encore plus faibles plus les filles).

Dans le passé, les familles nombreuses étaient la règle dans les communautés rurales : comme l’appoint du travail des enfants améliorait la productivité agricole (surtout sur les exploitations étendues), ils rejoignaient souvent leurs mères (et parfois leurs pères) dans les champs ou les jardins potagers, prenant soin du bétail familial et aidant à pourvoir aux ressources du ménage – allant chercher l’eau, recherchant au ras du sol du bois de feu et des plantes comestibles ou médicinales.

Dans les zones rurales, les femmes se mariaient jeunes et avaient de nombreuses grossesses.

La fragmentation du sol est le résultat d’une fécondité élevée, d’une mortalité infantile en baisse et d’une quantité limitée de terres.

En passant d’une génération à l’autre, les parcelles ont été chaque fois divisées de nouveau.

Elles n’étaient en fin de compte plus assez étendues pour fournir suffisamment à la table familiale ou à la vente sur les marchés.

Augmenter les rendements est devenu une nécessité de plus en pluspressante, et les hommes sont partis à la
recherche d’emplois non agricoles.

En leur absence, les charges et responsabilités familiales des femmes se sont alourdies, bien que les membres de la famille établis en ville envoient souvent de l’argent pour bonifier ce qui reste de terres, ainsi que pour le logement, l’éducation et les soins de santé.

L’urbanisation présente aux femmes une série de risques et de possibilités.

La croissance des villes et la pauvreté sont à l’origine de nouvelles menaces sur l’environnement qui aggravent les risques sanitaires.

Une fois de plus, ce sont les femmes et leurs enfants qui sont les plus exposés.


D’autre part, la grossesse et l’accouchement sont généralement moins dangereux dans les zones urbaines, où les soins de santé ont chance d’être plus
accessibles.

La vie urbaine offre également aux femmes un éventail plus large de choix en matière d’éducation, d’emploi et de mariage, mais comporte aussi un risque accru de violence, d’exploitation et de sévices sexuels.

Pour les femmes pauvres, l’urbanisation signifie une peine physique moindre pour trouver du combustible, des vivres et de l’eau, mais elles perdent souvent le contrôle direct sur la qualité ou la quantité des ressources de base.

Pour les très pauvres, celles-ci sont plus coûteuses – en chiffres absolus aussi bien que relatifs – que pour les groupes sociaux plus aisés.

Ce que l’urbanisation offre aux pauvres d’une main, elle le leur reprend de l’autre.

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