
Avec l’augmentation de cas du variant Omicron, le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures sanitaires à l’école, la veille de la rentrée scolaire, dimanche 2 janvier. Une décision tardive que de nombreux professeurs jugent « méprisante » envers eux.
Alors que le variant Omicron déferle sur la France, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a annoncé un nouveau protocole sanitaire pour les écoles, la veille de la rentrée des classes, dimanche 2 janvier à 17h dans un article payant du « Parisien ». Les professeurs ont découvert les mesures à mettre en place, quelques heures seulement avant leur retour dans les établissements scolaires. Désormais, si un cas de Covid est détecté, il est demandé aux élèves de la classe de se tester le jour-même, si le test est négatif ils peuvent revenir en classe. Puis, ils doivent réaliser deux autres tests sur les quatre jours suivants, fournis gratuitement par la pharmacie. Les parents doivent ensuite attester par écrit qu’ils ont bien été réalisés et sont négatifs. Un nouveau protocole qui vient s’ajouter à presque deux ans de crise sanitaire qui ont profondément ébranlé le système scolaire.


« J’ai appris le nouveau protocole sanitaire pour la rentrée via Twitter avec des captures d’écran de l’article du “Parisien”, car je ne suis pas abonné », confie Quentin, professeur dans un lycée en région parisienne. Pour Nathalie, enseignante dans un lycée de région Moselle, c’est « une accumulation de mensonges et de mépris cela devient très lourds ». Un avis partagé par la majorité des enseignants interrogés par Diana Unlimited, comme Marion, enseignante dans un collège à Aubervilliers et syndiquée Sud Education. Elle a pris quelques minutes pour nous parler alors qu’elle était en assemblée générale avec d’autres collègues et l’émotion est vive dans sa voix. Elle explique que les élèves sont perdus et ne savent souvent pas se tester eux-même. « Hier, dans le couloir j’ai surpris trois élèves en train de se questionner “mais toi tu es négatif ou pas ?”, détaille-t-elle. On veut bien qu’Omicron soit moins meurtrier mais il circule plus vite et la machine va exploser de l’intérieur », déplore l’enseignante.
« BLANQUER EST LA FIGURE QUI SYNTHÉTISE TOUTE LA HAINE DES PROFS DEPUIS CINQ ANS »
Face à la situation et pour se protéger face au variant, Marie a anticipé la rentrée. « Avant que le nouveau protocole ne soit publié dimanche j’ai envoyé un mail à ma cheffe : je lui disais que je viendrais enseigner sur site seulement si on mettait à notre disposition des masques FFP2 et des preuves que des mesures étaient mises en place pour assurer l’aération correcte des salles de classe », explique l’enseignante. Hier, lundi 3 janvier, elle n’a pas eu de réponse favorable à sa demande et a donc décidé de faire cours de chez elle, par visioconférence. « Je n’ai pas le droit de faire ça, je pourrais être dénoncée pour abandon de poste, mais j’ai une mère âgée que je veux encore pouvoir voir », explique l’enseignante qui a fait ce choix « pour sa santé et en guise de protestation à défaut de pouvoir faire grève. Mes élèves passent le bac de Français à la fin de l’année, si je n’avais pas eu une classe en examen, je me serais mise en grève. J’ai préféré me mettre en danger du point de vue de mon employeur plutôt que de mettre en danger mes élèves et leur avenir. »
La veille de la publication du nouveau protocole sanitaire, le « JDD » publiait une tribune de 1 200 personnalités qui soutiennent le bilan d’Emmanuel Macron sur l’école. Une provocation de trop pour Marion qui suggère que « ces personnes viennent dans les écoles et fassent cours à notre place » pour se rendre compte de la situation depuis presque deux ans. « On parle du bilan de Macron même pas de Blanquer parce qu’il est la figure qui synthétise toute la haine des profs et de ce qu’il se passe depuis cinq ans dans l’éducation nationale », tacle l’enseignante, lassée de « ceux d’en haut qui ne savent écrire que des bêtises ».
« DES MASQUES FFP2, DES TESTS ET DES CAPTEURS DE CO2 »
Parmi les autres revendications, l’adaptation des programmes scolaires est aussi au cœur des préoccupations de nombreux enseignants. En plus de gérer les questions des élèves liées à la situation sanitaire, ils doivent aussi accompagner ceux qui sont de plus en plus « largués » pendant les cours. « Aujourd’hui un élève de 4ème de ma classe a un niveau de maths de 6ème voire de CM2 », détaille Marion. Récemment, elle raconte qu’une de ses élèves qui souhaite devenir médecin a vomi parce qu’elle « avait peur de ne pas y arriver vu la situation ».
Car pour tous les enseignants interrogés, garder les écoles, collèges et lycées ouverts est une priorité. Ils dénoncent cependant unanimement un manque de préparation et de moyens mis en place. « Ce qu’il faudrait dans un premier temps c’est qu’on nous fournisse de quoi se protéger correctement : des masques FFP2, des tests et des capteurs de CO2 », détaille Sophie, enseignante en sciences économiques et sociales dans un lycée en Essonne. Pour maintenir les classes ouvertes dans le contexte sanitaire actuel, Marion réclame de son côté la mise en place de demi-groupes et surtout des embauches. « Cela fait deux ans qu’il y a des suppressions de postes, les salles sont remplies d’élèves, et nous on fait des heures supplémentaires parce qu’on prend des élèves en plus », dénonce-t-elle.


« MON BUT EST DE NE PLUS AVOIR L’ÉDUCATION NATIONALE COMME EMPLOYEUR »
La crise sanitaire a en effet accéléré « la lassitude » des enseignants qui ont l’impression « de ne pas être considérés par les instances », détaille John, directeur d’école primaire dans l’Aisne. À tel point que certains envisagent un avenir très sombre, « il va y avoir beaucoup de démissions », prévient Marion. Pour Marie la question se pose ainsi « Qu’est-ce qu’il existe comme porte de sortie pour moi pour ne plus être prof ? » Enseignante à mi-temps, elle poursuit une formation en parallèle depuis quelques mois : « Mon but dans les deux ou trois prochaines années, c’est de ne plus avoir l’éducation nationale comme employeur. »
Et pour les élèves qui seraient absents pour cause de Covid, elle s’interroge sur un enseignement à deux vitesses, « je fais un cours cette semaine et je le refais la semaine suivante aux huits élèves qui n’étaient pas là la semaine précédente ? » Pour les enseignants en lycée, la préparation aux épreuves du bac va être le principal enjeu. « Demain sur 24 élèves je n’en aurai que 14 car trois classes de terminales ont été testées positives. Or, pour les enseignements de spécialités, le brassage des classes est encouragé. Donc demain je ne retrouverai que les élèves vaccinés et testés négatifs », explique Quentin, qui rappelle que les épreuves de spécialités commencent à la mi-mars, soit dans quelques semaines. Une « improvisation permanente » qu’il essaye d’aborder avec calme, selon ses mots, mais cela va « devenir mission impossible de préparer le bac » ajoute Sophie.
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.