
Avant-propos
Dans plusieurs milieux de travail, des travailleuses sociales et travailleurs sociaux sont en contact avec des jeunes transgenres et leurs familles. En centres jeunesse, en première ligne, au sein d’organismes communautaires ou même en pratique autonome, ces professionnels sont souvent mal outillés pour bien comprendre ce que vivent ces personnes et risquent d’intervenir en négligeant des aspects essentiels de la situation ou en mettant l’accent sur des dimensions moins importantes.
Le but de ce dossier est donc d’outiller les travailleurs sociaux afin qu’ils puissent intervenir efficacement auprès des enfants transgenres et de leurs familles. Le contenu a été élaboré dans une perspective anti-oppressive, tant dans le processus de développement que dans son contenu. Dans notre profession, cette approche amène les travailleurs sociaux à comprendre que les problèmes vécus par ces personnes découlent de conditions d’oppression et de divisions sociales. Ces professionnels pourront ainsi aborder des oppressions dans une perspective de justice sociale (Pullen Sansfaçon, 2013).
Ce dossier vise également à développer et à favoriser une analyse critique des problèmes et d’enclencher un processus de transformation sociale. Ainsi, les résultats de projets de recherche et de la littérature scientifique sont analysés à la lumière de la cisnormativité et de l’hétéronormativité. La production et la révision du contenu ont été faites en collaboration soutenue avec des personnes trans. De plus, les jeunes trans et les organismes qui travaillent auprès d’eux ont joué un rôle central dans la production des connaissances du projet Au-Delà des apparences : une enquête intersectionnelle de l’expérience des jeunes trans, publié dans l’article de Pullen Sansfaçon et al. (2018) cité plusieurs fois dans ce dossier.
Utiliser le vocabulaire d’un groupe dominant pour nommer l’expérience d’un groupe minoritaire contribue au maintien des mécanismes de domination. Afin de changer les relations de pouvoir, les personnes concernées doivent participer à la re-définition des faits et des priorités (Pullen Sansfaçon et Ward 2017). Sachant cela, un des principes fondamentaux de l’intervention auprès des jeunes trans est de respecter l’auto-identification de la personne. Nous avons donc choisi d’être cohérents à ce principe et de laisser place à la voix des jeunes personnes trans, ce qui constitue, selon nous, une première étape vers la transformation sociale.
Finalement, ce dossier vise à mettre en marche un processus de changement des discours dominants concernant la manière dont les personnes trans sont perçues en société. Nous avons présenté les vécus des jeunes en étant fidèles à leurs récits, en évitant de standardiser leurs descriptifs, afin de respecter la façon avec laquelle ils se sont auto-identifiés, pour préserver la diversité des identités. Par exemple, nous avons évité de référer uniquement aux participants comme « homme trans » ou « femme trans ». Comme le rappelait Foucault (1980), le pouvoir se développe et se maintient en renforçant certaines idées comme normales et appropriées.
Considérant les situations de vulnérabilité auxquelles font face les jeunes trans, et avec l’adoption de la Loi 103 Loi visant à renforcer la lutte contre la transphobie et à améliorer notamment la situation des mineurs transgenres, les travailleurs sociaux ont un rôle particulièrement important à jouer auprès de ce groupe, peu importe leur lieu de travail. Ce dossier permet donc au lecteur de mieux comprendre la situation, de s’outiller dans le but de mieux intervenir auprès des jeunes trans, mais aussi de favoriser un certain changement social et l’empowerment de cette population, conformément aux valeurs de la profession.
Pour en apprendre davantage sur la démarche, visionnez les cinq vidéos ci-dessous.
Introduction
« Être transgenre, transsexuel ou indépendant dans son identité de genre, est une question de diversité, pas de maladie mentale » (World Professional Association for Transgender Health, 2012) De plus en plus de personnes ont recours à une réattribution de sexe. Il est
temps de mieux les comprendre pour mieux les soigner.
La transidentité présente une grande diversité. « Elle peut englober des personnes transsexuelles, transgenres, bispirituelles appelées « aux-deux esprits » par les nations autochtones, intersexuées, au genre fluide ou variant désigné par le terme anglais queer ».
Nous constatons une attention médiatique accrue envers les enfants et les jeunes trans, non binaires et bispirituels. Contrairement à la croyance populaire, ces jeunes seraient nombreux. En effet, une récente étude publiée dans Pediatrics, en 2018, estime à partir d’un échantillon de 80 929 jeunes américains de secondaire III à V, que 2,7% d’entre eux s’identifient comme étant trans ou de genre non-binaire.
De manière générale, les jeunes trans et non-binaires font face à de grandes situations d’adversité :
Les expressions transsexualisme et transidentité sont précédées du préfixe trans, qui signifie passage. Dans les écrits, une femme trans, homme au départ, est désignée par les lettres HvF (homme vers femme) ou MtF (male to female). L’homme trans, femme au départ, est désigné FvH (femme vers homme) ou FtM (female to male). Transgenre se définit et s’exprime de plusieurs façons.
L’expression désigne une personne dont le sexe biologique ne correspond pas à ce qu’elle est et ce qu’elle ressent, sans impliquer toutefois qu’elle désirera une réassignation de sexe. Intersexuation ou intersexué désigne les personnes dont les organes génitaux présentent une ambiguïté sexuelle visible et qu’on ne peut définir mâles ou femelles.
Les termes génériques transidentitaires et personnes trans sont de plus en plus souvent utilisés.
- Se considèrent en moins bonne santé et ont une moins bonne santé mentale que les jeunes cisgenres (non-trans) (Rider et al., 2018);
- Vivent de grandes difficultés à accéder aux services courants et aux services spécialisés pour le genre (Pullen Sansfaçon et al., 2018);
- Sont plus à risque de développer des dépendances aux drogues ou à l’alcool (Newcomb et al., 2012);
- Sont plus à risque de se retrouver en situation d’itinérance (Crossley, 2015) et d’avoir recours au travail dans l’industrie du sexe (Walls et Bell, 2011);
- Sont plus à risque d’être arrêté ou incarcéré (Garnette et al., 2011);
- Sont à risque de vivre des situations de harcèlement et de cyberintimidation (Grant et al., 2012 ; Chamberland et al., 2011);
- Sont à risque de vivre de l’abus physique, psychologique et sexuel (Roberts et al., 2012 ; Nuttbrock et al., 2010);
- Sont à risque d’être assassinés, en particulier les femmes trans travailleuses du sexe (Trans Respect Versus Transphobia, 2016a et 2016b).
Depuis juin 2016, l’identité de genre et l’expression de genre sont des notions protégées par la Charte des droits et libertés de la personne et de la jeunesse ainsi que par la Loi canadienne des droits de la personne et le Code criminel. Ainsi la discrimination sur la base de l’identité de genre ou de l’expression de genre est explicitement prohibée par la loi.
Citations
« Moi, les difficultés que je vis, mes questionnements, mon anxiété […] c’est allé jusqu’aux idées suicidaires. J’ai souvent tendance à me dire « Mais non, j’suis pas trans, j’suis non-binaire, ça compte pas », mais j’ai souffert… J’me suis automutilée, j’avais beaucoup, beaucoup, beaucoup d’émotions donc oui, ça m’a affectée. C’est vraiment de me confronter à cette ignorance-là, à ces préjugés-là qui rend ma vie plus difficile. »
– Nola, 23 ans, femme non binaire.
« Une grosse partie de ma dépression, qui était pas mal pire l’an dernier, était reliée à ne pas être out à l’école, avoir à interagir avec les autres et avoir peur et ne pas me sentir en sécurité, frustré et, j’imagine, fake; me sentir comme si je n’étais pas moi-même. »
– Julien, 19 ans, personne transmasculine demiboy.
« J’me souviens du secondaire où, quand on m’intimidait […] j’me faisais dire par les profs de, genre, suck it up »
– Julia, 24 ans, femme trans non binaire.
Remerciements
Les fiches ont été élaborées par un comité composé des personnes suivantes:
- Alexis Marcoux Rouleau, doctorant en criminologie à l’Université de Montréal sous la direction de Marion Vacheret et personne trans émérite
- Annie Pullen Sansfaçon, professeure titulaire à l’École de travail social de l’Université de Montréal et vice-présidente de l’organisme Enfants transgenres Canada
- Edward Ou Jin Lee, professeur adjoint à l’École de travail social de l’Université de Montréal et chercheur régulier de l’équipe Migration et ethnicité dans les interventions en santé et en services sociaux
- Avec le soutien de Geneviève Cloutier, Courtière de connaissances ainsi que d’Alain Hébert et de Marie-Lyne Roc, chargés d’affaires professionnelles, à l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec
Cette initiative a reçu le soutien financier du Conseil de recherche en science humaine du Canada, Subvention Connexion numéro d’octroi 611-2017-0332.
Les citations appuyant chaque fiche proviennent de la recherche Au-delà des apparences : une enquête intersectionnelle de l’expériences des jeunes trans au Québec (CRSH 2016-2019, numéro d’octroi 435-2016-0834).
À lire
À lire sur Diana Unlimited
Une femme transgenre ne peut (toujours) pas être récompensée part sont travail.
C’est en étant féministe, justement, que l’on ne croit pas que les individus sont déterminés par leurs organes génitaux, que l’on peut les considérer avant tout en tant qu’humains en dépassant leur simple classification en terme d’anatomie.
Diana Unlimited Faunes Et Femmes Magazine: C’est une marque, c’est un mode de vie, et illimité est vraiment le bon mot parce que nous prévoyons d’avoir des entreprises dans toutes les formes de médias que vous pouvez imaginer. Y compris notre nouveau magazine homonyme. Je présente une nouvelle vision et une nouvelle mission de se concentrer sur les filles, les femmes et les transsexueulles qui ressentent leur propre pouvoir illimité.
À TOUTES LES PERSONNES TRANSGENRE : IL FAUT VIVRE SES RÊVES ET NON RÊVER SA VIE
Il s’agit de faire de notre vie un chemin où l’on est le plus honnête possible avec soi-même, de choisir et pas seulement d’exclure.
Nous allons voir dans quelle situation vous êtes et comment vous pouvez changer si c’est réellement ce que vous voulez.
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