Les jeunes LGBT+ rejetés par leurs parents, chassés du domicile familial, parce qu’ils sont homosexuels ou trans et/ou en questionnement identitaire.

Malgré la multiplication des initiatives visant à promouvoir le droit à la diversité des orientations sexuelles et à sensibiliser les jeunes et les moins jeunes contre les LGBT-phobies (lesbiennes, gays, bi, trans), les discriminations et autres formes de rejet liées au genre et à l’orientation sexuelle continuent d’avoir cours dans la société française. Le rapport annuel de SOS homophobie est l’un des seuls outils d’analyse quantitative et qualitative en France sur le sujet, mais il n’a pas de valeur statistique dans le sens où il se base uniquement sur des témoignages volontaires, un suivi de l’actualité et une analyse de presse. Si l’absence d’enquête représentative est fortement regrettable, il est déjà possible de protéger les jeunes victimes de LGBT-phobies en mobilisant les dispositifs juridiques existants et d’améliorer leur prise en charge et leur accompagnement afin qu’ils puissent se construire dans un cadre apaisé, voire épanouissant.
Témoignage
Christelle [*], 16 ans
Ce témoignage a été livré par mail [**], suite au message que nous avions laissé à cette jeune fille après avoir lu son récit sur la page Facebook de l’association le Refuge. À travers ce témoignage, on saisit les tensions qui peuvent émerger dans les familles lorsque l’homosexualité est soupçonnée. Si les situations d’exclusion du foyer parental existent, le témoignage de Chloé est l’occasion de rendre compte d’une réalité plus fréquente pour les jeunes LGBT, marquée par le secret, la trahison, le manque de confiance en soi et surtout dans l’entourage proche.Je m’appelle Christelle, j’ai 16 ans. Je suis en première année de CAP [dans un établissement scolaire du Nord de la France]. J’étais en couple avec un garçon pendant deux mois, et je me suis rendu compte que je me sentais pas à l’aise dans les bras d’un garçon. Donc je lui ai dit que je n’étais pas à l’aise avec les garçons, et lui il racontait tout à ma mère, et j’avais pas prévu qu’il préviendrait ma mère à ce sujet et ses ami·e·s. Donc là j’ai décidé de faire mon coming out en tant que bi sur Facebook. Et là ma mère est venue dans ma chambre venant me dire : “Arrête d’écrire n’importe quoi sur Facebook, les bi c’est ceux qui aiment les filles et les garçons.” J’ai dit : “Je sais, c’est pas toi qui va m’apprendre.” Puis elle est repartie. Elle a appelé ma cousine en lui disant et elle a dit à ma cousine : “Tant qu’elle est heureuse, c’est le principal.” Donc elle ne l’a pas mal pris, mais depuis ce temps on fait que se disputer ma mère et moi. Mon père ne sait rien de tout ça, il croit pas ce qu’a dit mon ex. Ensuite, j’ai subi et je subis toujours des insultes sur Facebook par les amis de mon ex disant : “Sale lesbienne, va te pendre, tu sers à rien.” Plein de messages de ce genre. Ce qui m’a poussée à faire des tentatives de suicide. J’ai donc décidé de chercher un refuge pour y rencontrer des gens comme moi, pour me sentir bien, protégée et en sécurité de voir des gens comme moi. Dans ma classe au lycée on me rejette sauf trois ou quatre amies qui elles m’acceptent telle que je suis. J’avais que des idées noires et les profs voyaient que ça n’allait pas, ils voyaient que je restais dans mon coin et voyaient que mes bras étaient abîmés parce que je me mutilais, mais personne savait ce que je subissais, donc les profs et mes amis m’ont forcée à prendre rendez-vous chez l’assistante sociale. J’ai pris rendez-vous et j’ai expliqué ce qui ce passait, donc elle m’a demandé si je voulais bien qu’elle vienne dans ma classe pour expliquer aux filles de ma classe que les homosexuels sont pareils que les hétéros, pour leur faire ouvrir les yeux. Elle vient jeudi prochain normalement, la prof en a parlé aux filles de ma classe et les filles ont dit : “Mais on s’en bat les couilles des homos ils sont bizarres, ils comprennent rien à la vie. Ça sert à rien je viens pas moi qu’est-ce que je m’en bats les couilles de ça.” Je cite ce qu’elles ont dit, oui elles sont vulgaires. J’avais envie de pleurer mais je me suis contrôlée. Et j’ai un nouveau rendez-vous chez l’assistante sociale demain pour reparler de tout ça. […] C’est une histoire récente, tout ça c’est passé y’a un mois. Mais en aucun cas je regrette d’avoir fait mon coming out, si les gens me critiquent ou m’insultent tant pis c’est pas ça qui va me changer, mes sentiments je les contrôle pas. […] »
La nécessité d’un accueil et d’une écoute adaptés
9La question de l’accueil et de l’écoute des personnes LGBT se pose avec prégnance pour les jeunes. En effet, l’adolescence et la transition vers l’âge adulte représentent une phase de construction identitaire active synonyme de nombreux questionnements pour l’ensemble des jeunes, mais qui sont généralement renforcés par le fait de se découvrir des attirances sexuelles différentes de celle de la majorité. Par ailleurs, dans un contexte où ils ne disposent pas des moyens économiques qui leur permettraient de prendre leur indépendance s’ils le souhaitaient ou si leur famille les y contraint parce qu’elle rejette leur homosexualité, bien des jeunes ne se sentent pas libres d’affirmer leur homosexualité et ont besoin d’une oreille attentive.

Coming out et outing
Le coming out est le fait de révéler soi-même son homosexualité.
L’outing est la révélation de l’homosexualité d’une personne par quelqu’un d’autre qu’elle-même, à son insu.
EXPRIMEZ VOS ÉMOTIONS ET INSTAUREZ UN DIALOGUE
Le coming out de votre proche vous chamboule ? Ne niez pas les émotions qui vous traversent. « Il est important de les accepter et de chercher à les décrypter plutôt que faire semblant, en donnant l’illusion d’une pseudo-acceptation ». Soyons honnêtes, aucun père ni aucune mère n’imaginent avec satisfaction que sa fille ou son fils révélera un jour son homosexualité. » C’est, en effet pour les parents que l’annonce peut être particulièrement douloureuse : ils doivent faire le deuil de l’enfant idéalisé qu’ils avaient en tête et pour lequel ils avaient bâti un scénario de vie. Certains ont besoin de temps pour accueillir cette nouvelle, des mois, parfois des années. « Il existe autant de façon de réagir à l’annonce de l’homosexualité d’un proche que de personnalités différentes.
Pour les jeunes, le regard et l’avis que peuvent porter les personnes les plus proches sur leur homosexualité (réelle ou supposée) sont évidemment ceux qui importent le plus. C’est le cas des meilleurs amis et plus largement du groupe de pairs, mais surtout, en général, des frères et sœurs et plus encore du père et de la mère. Les idées reçues et propos péjoratifs que ces différentes personnes peuvent tenir sur l’homosexualité ne sont pas sans conséquence sur la manière de vivre et de révéler son homosexualité. De même une fois le coming out ou l’outing survenu, le harcèlement des pairs ou les réactions de rejet dans la famille peuvent causer un profond mal-être et désarroi pour le jeune concerné. Où l’on remarque une différence notable avec les autres formes de discrimination existantes car s’il est bien une caractéristique marquante dans la manière dont les liens familiaux se structurent autour de la question de l’homosexualité et du coming out, c’est que « contrairement à un jeune victime de discrimination raciste, par exemple, la jeune lesbienne ou le jeune gay ne trouve pas au sein de la famille une culture ni une expérience qui lui apporterait un soutien et l’aiderait à lutter contre le stigmate ». On pourrait effectuer la même remarque en utilisant la comparaison avec un jeune qui serait victime d’une discrimination liée à son appartenance de classe ou à sa religion, par exemple.

Prendre la décision
- Avant de révéler son homosexualité, la première étape est d’être certain de son identité sexuelle. Ne pas culpabiliser, ce n’est pas parce que vous ne correspondez pas aux normes de l’hétérosexualité que vous devez vous sentir rejeter de la société. De plus, il faut savoir que les gens, qui vous aiment, vous apprécient, avant tout, pour vous et votre personnalité.
- Vous serez exactement la même personne, avant et après la révélation. Seul le regard des gens peut changer. Néanmoins, si vos proches vous aiment, votre homosexualité sera accepté. Même si pour certaines personnes, il faudra certainement du temps pour accepter cette différence.
Se confier à une personne proche
- Même s’il est vrai qu’on ne connaît pas la réaction des gens, l’essentiel est de se sentir bien dans sa tête et bien dans son corps. Confiez-vous, d’abord, à la personne qui vous est le plus proche : sœur, frère, ami d’enfance, mère, père.
- Révéler son homosexualité à cette personne permettra de vous mettre en confiance et vous vous sentirez soulager face à cette déclaration. De plus, cette personne vous aidera à mieux vivre l’expérience et à affirmer votre identité sexuelle auprès des autres personnes de votre entourage.
Le dialogue
- Vivre dans le mensonge n’est pas la solution idéale, mais révéler son homosexualité peut avoir des conséquences néfastes. Pour connaître la réaction des personnes proches, vous pouvez entamer un dialogue simple, lors d’un repas de famille par exemple, sur l’homosexualité pour connaître leurs opinions.
- Lancez, pendant la conservation, quelques perches ironiques. Après avoir connaissance des réactions de chacun, vous pourrez prendre la décision de faire un coming out ou non.
Le coming-out raconté par mélanie mère de famille
“J’ai toujours élevé mes enfants dans le respect de l’autre, défendu le mariage pour tous et le respect des différences. Mais lorsque ma fille m’a annoncé son homosexualité, malgré tous mes beaux discours, je me suis effondrée. C’est bien plus facile d’être tolérant quand il s’agit des enfants des autres. J’ai pleuré pendant une semaine. Je m’en veux aujourd’hui d’avoir réagi comme ça, alors que j’étais convaincue d’être capable d’accepter. Je lui en ai même voulu, alors que je sais que ce n’est pas un choix, et qu’il vaut mieux qu’elle assume plutôt que d’être malheureuse toute sa vie avec un homme. J’aurais voulu comprendre, savoir pourquoi. Je n’ai pas trouvé de réponse, elle n’a pas su en donner. J’aurai aimé qu’on me dise ‘c’est génétique’, mais non, rien n’est prouvé. C’est comme ça, on a pas d’autre choix que d’accepter comme elle l’a fait elle-même. Je m’en veux surtout de ne pas lui avoir parlé avant, quand j’ai commencé à avoir des doutes. Elle s’est débrouillée seule avec sa recherche d’identité, ça a été difficile pour elle, mon rôle de mère était de l’aider mais je n’ai rien voulu voir, je n’ai pas été présente et aujourd’hui ça reste mon plus grand regret.”
Se taire, se cacher et mentir semblent être la seule alternative pour se protéger des réactions négatives – réelles ou supposées – de l’entourage. Mais lassé(e)s du mensonge, certains jeunes homosexuel(le)s se posent la question du “coming out” c’est-à-dire d’informer leur entourage de leur préférence affective et sexuelle.
“Je suis beur. J’habite en banlieue, dans une cité. Je la vis tout seul mon homosexualité, enfin je n’ai jamais eu de relation sexuelle. Dans le milieu maghrébin et sportif où je vis je ne peux en parler. J’ai pensé au suicide… Je suis quelqu’un d’hyper timide pour pouvoir parler à quelqu’un, échanger. J’ai peur que cela soit su. Il y a un risque physique pour moi. Mais vivre dans le mensonge, dans cette angoisse, ce stress…” déclare kassim, 21 ans.

Il n’est pas facile d’assumer son homosexualité surtout dans un environnement hostile. L’hétérosexualité étant dominante, tout garçon ou toute fille est considéré(e) a priori comme hétérosexuel(le). “Tu as une copine?”, “Comment s’appelle ton petit ami?”, ces questions banales posées par les parents, la famille ou les proches peuvent se révéler pesantes quand on se sait homosexuel(le). Certains font le choix de révéler au grand jour leur orientation sexuelle. Cette tentation est d’autant plus forte quand on est amoureux(se) et que l’on voudrait vivre cet amour au grand jour, voire le proclamer à la terre entière.
Le “coming out”
A l’inverse, on peut être tolérant avec des amis homosexuels et ne pas accepter l’homosexualité de son enfant. Les réactions peuvent être particulièrement violentes. Même si les cas de rejet, de mise à la porte sont rares, ils existent. Il ne faut pas oublier que si, pour soi, l’acceptation de son homosexualité a été un chemin difficile à parcourir, pour les parents aussi cela peut être une épreuve douloureuse, voire violente. Ils devront eux aussi faire leur chemin vers l’acceptation en passant par des phases de culpabilité ou de déni. Eux aussi ont besoin de temps.
Aucun mode d’emploi n’existe pour réussi son “coming out”. Il faut toutefois prendre le temps d’évaluer son entourage et ne pas se précipiter. L’annonce faite à la fin d’un repas où toute la famille est réunie n’est pas forcément la meilleure méthode. Il est préférable de repérer parmi ses proches une personne de confiance qui sera la première à qui on se confiera. Outre une “répétition générale”, ceci permettra également d’avoir un ou une allié(e) lors de l’annonce au reste de la famille. Mais attention, il n’est pas facile de savoir comment les autres vont réagir. Même s’ils tiennent régulièrement des propos hostiles aux homosexuels, ils réagiront peut-être différemment face à l’homosexualité d’une personne qui leur est proche, montrant de l’affection et de la compréhension.
Trouver à qui parler
C’est aussi le rôle des psychologues, des psychanalystes, des psychothérapeutes. Pas besoin d’être malade pour aller les voir. Ils peuvent être très utiles pour avoir quelqu’un à qui parler, à la condition qu’ils respectent une règle fondamentale : le non-jugement. Pour éviter les mauvaises expériences, il est préférable de demander l’adresse d’une personne de confiance à son médecin généraliste, à l’infirmière scolaire ou à la ligne Azur. Dans tous les cas, si le psy ne vous convient pas, vous devez en changer. Il n’y aucune obligation de continuer à le voir. Vous devez pouvoir choisir la personne qui vous aidera le mieux à avancer dans votre réflexion. Des associations de jeunes homosexuel(le)s comme le MAG ou Gémini peuvent également vous permettre de sortir de votre isolement, n’hésitez pas à les contacter.
Il est important dans toutes ces situations de pouvoir en parler, de trouver un interlocuteur qui ne vous jugera pas, qui vous respectera en tant qu’individu et qui vous écoutera en toute confidentialité. Des services comme la ligne Azur sont à votre disposition pour répondre à toutes vos questions. Ils vous informeront sur la sexualité et les maladies sexuellement transmissibles, vous donneront des adresses pour obtenir une aide ou rencontrer d’autres personnes partageant des sentiments similaires.
N.B. : Tous les propos reproduits sont issus des entretiens réalisés par les écoutants de la ligne Azur. Ils ont été modifiés afin de respecter l’anonymat des appelants tout en respectant leur parole.
Ecrit par :
DIANA ABDOU
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